Malgré les progrès rapides de la robotique et de l’intelligence artificielle, les robots humanoïdes véritablement polyvalents restent largement confinés aux laboratoires de recherche et aux environnements industriels spécialisés. La vision d’androïdes s’intégrant parfaitement à la vie quotidienne – se servant des boissons, effectuant des corvées ou même simplement marchant dans la rue sans tomber – reste obstinément hors de portée. Le problème principal n’est pas de construire les machines elles-mêmes ; cela les fait fonctionner de manière fiable dans le monde réel désordonné et imprévisible.

L’écart avec la réalité : au-delà des usines

Des millions de robots effectuent déjà des tâches répétitives dans les usines, aspirent les sols et tondent les pelouses. Mais ce sont des outils spécialisés. Le type de robots humanoïdes polyvalents vus dans la science-fiction – comme C-3PO ou Dolores Abernathy – nécessitent un niveau d’adaptabilité bien plus profond. Un robot peut exécuter parfaitement une routine de danse sur une surface plane, mais introduire des trottoirs inégaux, des escaliers glissants ou un comportement humain imprévisible, et le système tombe en panne. Imaginez-vous naviguer dans une chambre encombrée dans le noir tout en portant un bol de soupe plein : chaque étape nécessite un recalibrage et un jugement constants.

L’IA n’est pas la réponse… pour le moment

Les grands modèles de langage (LLM) comme ChatGPT ne résolvent pas ce problème. Ils excellent dans le traitement de l’information mais manquent de connaissances incarnées. Les LLM peuvent parfaitement décrire la voile, mais ils n’ont jamais senti le vent ni manipulé une voile. Comme le souligne Yann LeCun, scientifique en chef de l’IA chez Meta, un enfant de quatre ans a déjà traité 50 fois plus de données visuelles que celles sur lesquelles les plus grands LLM sont formés. Les enfants apprennent grâce à des années d’expérience physique ; Les ensembles de données actuels sur l’IA sont relativement petits et se concentrent sur le mauvais type d’informations. Des millions de poèmes n’apprendront pas à un robot comment plier le linge.

Deux approches, toutes deux imparfaites

Les roboticiens poursuivent deux stratégies principales pour combler cet écart. La première est la démonstration, où des humains téléopèrent des robots (souvent via la réalité virtuelle) pour créer des ensembles de données de formation. La seconde est la simulation, permettant aux systèmes d’IA de s’entraîner à des tâches des milliers de fois plus rapidement que les humains. Cependant, les deux méthodes se heurtent au « fossé de la réalité ». Une tâche simulée peut échouer de façon spectaculaire dans le monde réel en raison d’innombrables détails négligés : friction, surfaces inégales, éclairage imprévisible.

La complexité méconnue des tâches quotidiennes

Même des tâches apparemment simples sont remarquablement difficiles pour les robots. Pensez à fouiller dans un sac de sport bondé pour trouver une chemise spécifique. Une main humaine détecte instantanément les textures, les formes et la résistance, ce qui nous permet d’identifier les objets au toucher sans tout retirer. C’est pourquoi les premiers Jeux mondiaux de robots humanoïdes, mettant en vedette le football et la boxe robotisés, ont raté leur objectif. Ce que les gens veulent réellement, ce ne sont pas des robots sportifs ; ils veulent des machines capables de plier le linge, de nettoyer les excréments de chien ou d’essuyer le beurre de cacahuète de leurs propres mains.

Le parallèle de la voiture autonome

Le défi est similaire à celui auquel sont confrontés les voitures autonomes. Tesla et d’autres entreprises collectent d’énormes quantités de données de conduite pour entraîner leur IA. Cependant, les maisons, les chantiers de construction et les espaces extérieurs sont bien plus chaotiques que les autoroutes, ce qui rend le problème exponentiellement plus difficile.

L’avenir reste incertain

Les robots actuels sont conçus pour des environnements contrôlés (entrepôts, hôpitaux ou trottoirs clairement définis) et se voient confier une tâche unique et spécifique. Digit d’Agility Robotics transporte des bacs d’entrepôt ; Les robots de Figure AI travaillent sur des chaînes de montage. Ces machines sont utiles, mais loin d’être des aides à usage général. Les experts ne sont pas d’accord sur le moment (ou si) cet écart sera comblé. Le PDG de Nvidia, Jensen Huang, prédit une percée « dans quelques années », tandis que le roboticien Rodney Brooks prévient que des déploiements rentables sont « dans plus de dix ans », invoquant des problèmes de sécurité. Son conseil ? Restez à au moins trois mètres des robots marcheurs grandeur nature.

En fin de compte, le rêve de robots humanoïdes omniprésents reste juste cela : un rêve. Les limites fondamentales de la technologie actuelle suggèrent qu’une véritable polyvalence est encore un objectif lointain, nécessitant des percées à la fois matérielles et IA qui ne se profilent pas encore à l’horizon.